Sur l’île de Tahaa en Polynésie-Française a été tournée la dernière édition de Koh Lanta, dont la diffusion est prévue pour le printemps. C’est aussi le lieu de vie qu’Isabelle Courseyre, pure auvergnate originaire de Joze, a choisi pour elle et son fils il y a 20 ans.

Le fromage lui manque. Mais elle ne changerait sa vie pour rien au monde. Éprise des lieux isolés, Isabelle Courseyre s’installe en Polynésie-Française en 1995. Un pays qu’elle découvre par hasard, lors d’un tour du monde en voilier qu’elle entreprend avec son ex-mari, et leur petit garçon. “On s’est arrêté un peu partout pour travailler. On a dû s’arrêter aux Marquises pour réparer le bateau parce qu’on a percuté une baleine, en plein milieu du Pacifique ! J’y ai bossé six ans. Quand mon mari est parti, j’ai demandé ma mutation – on m’a mis à Tahaa.” Infirmière depuis 1975, Isabelle exerce aujourd’hui au dispensaire de Tahaa.

« J’ai découvert ce qu’était être étranger »

A la recherche de stabilité pour elle et son fils après le départ de son compagnon, elle construit sa vie sur l’île sœur de Raiatea. L’infirmière y voit grandir son fils, alors âgé de 9 ans. Aujourd’hui, ce dernier est entièrement imprégné de la culture polynésienne et parle couramment la langue locale, le tahitien. Basil fait la fierté de sa mère, même si elle souligne leur divergence de culture. Elle avoue avoir été surprise par la grande différence de mœurs : “C’est très ambigu la Polynésie. Tu parles le français, tu as l’impression que tu es dans un endroit qui est de culture française alors que ce n’est pas du tout ça. La mentalité est différente. Je n’étais pas préparée à ça. J’ai découvert une culture différente. J’ai découvert ce qu’était être étranger. Je pense à tous les gens que j’ai connu dans mon enfance, les arabes, les polonais, qui venaient après la guerre, et qui vivaient comme des étrangers au milieu de nous, les français – ici, je suis comme eux.”

Pour s’intégrer, Isabelle aurait dû apprendre le tahitien et laisser ses certitudes popa’a* de côté. C’est ce qu’elle conseille aux auvergnats qui viendraient s’installer dans les îles reculées de Polynésie : “je leur dirais ‘attention, on parle français, mais ce n’est pas la France ici, tu es dans une culture différente !’ ”. L’infirmière s’est heurtée au racisme des indépendantistes, fruit de la colonisation française. Mais aujourd’hui elle connaît les polynésiens et leur manière de fonctionner. Et elle en tire la leçon suivante : le respect mutuel est la base d’une entente cordiale.

Et après ?

Une fois retraitée, en mai, Isabelle projette de revenir en Auvergne plus souvent, pour regoûter au fromage et à la charcuterie, avec vue sur les volcans –“Je suis très attachée à mon fenua** : la France”. Dès que la situation le permettra, l’infirmière compte partir trois mois en métropole, pendant lesquels elle pourra profiter d’une majoration de pension. “Ce que je trouve bien en Auvergne, même si tu n’as pas les cocotiers et la mer, tu as des événements dans chaque municipalité. J’adorais le festival des rues d’Aurillac qui durait une semaine, la Pamparina à Thiers pendant trois-quatre jours où tu as de la musique partout !”, se réjouit Isabelle, impatiente de redécouvrir les manifestations culturelles.

Mereini GAMBLIN

Popa’a = étranger de race blanche (définition Fare Vana’a).

Fenua = île, pays, territoire (définition Fare Vana’a).