Le 9 janvier, Stromae, au 20 heures de TF1, chantait en guise de réponse. Cette séquence médiatisée a été qualifiée par une partie de la presse « d’infotainement ». Laurence Addario, responsable relation média, ancienne journaliste, partage sa vision de l’évolution de la relation communication-journalisme.

« Nous regardons le même paysage mais par deux fenêtres différentes. » Laurence Addario, souriante, prononce cette phrase, le regard droit. Le « nous » ce sont les journalistes et les communicants. Dans le bureau du Club de la Presse, celle, qui après 20 ans de journalisme a décidé de travailler dans la communication partage son regard sur la relation entre les deux domaines. Grâce à son parcours particulier, Laurence adopte un regard singulier sur la question. En 1989, elle fait son premier stage de presse au Progrès à Saint-Etienne. Pendant les 20 années suivantes, elle continuera d’exercer ce métier avec passion. D’abord staffée au sein de rédactions de plusieurs magazines, elle rejoint la pige pour Le Figaro ou Associated Press. Finalement, en 2009, pour des raisons économiques, elle quitte le journalisme et rallie la communication « C’est un métier formidable, j’ai et j’aurai toujours une vraie passion pour ». D’abord en tant qu’attaché de presse pour Le Groupe La Poste, elle est aujourd’hui la responsable relation média pour l’Auvergne et manager du pôle média Auvergne Rhône Alpes pour le même groupe. « J’ai franchi le Rubicon » ironise Laurence Addario. Ce « Rubicon » c’est la frontière entre le journalisme et la communication. Pourtant deux domaines à la relation particulière.

Le journalisme et la communication ont évolué depuis 30 ans. Une phrase que Laurence atteste facilement « J’ai vu l’évolution des deux côtés ». Avant la démocratisation d’Internet, il n’existait qu’une chaîne d’information en continu, France Info. La chasse à l’information avait une échelle humaine, grâce au bouclage, quotidien pour beaucoup de média. La seule manière d’obtenir et de diffuser une information, c’étaient les médias. Les journalistes contactaient les personnes ou les attachés presses et inversement. L’arrivée d’Internet chamboula le rapport des entreprises à leurs publics et aux médias. « Avant, on avait interdiction de formuler un titre sous forme de question. Maintenant on en voit à la télé, sur le web, sur papier. Mais la question suscite l’émotion et l’information ». Internet implique une immédiateté de l’information. Elle est accessible partout, tout le temps. Mais elle répond à des règles de storytelling qui confondent information et émotion. Les réseaux sociaux assistent à une amplification des fausses nouvelles. « L’information vérifiée est de plus en plus diluée dans un monde avec une part croissante de fake news » mais Laurence insiste sur un point essentiel « l’émotion ne prend pas le pas sur la part des informations d’un journaliste. »

« L’infotainement, c’est visible dans une partie des mass médias » un regard critique posé par Laurence sur la profession. Ce phénomène « l’infotainement » est apparu avec Internet. C’est le mélange entre le divertissement et l’information. Quelque chose que Laurence considère « d’assez insidieux » mais qui ne concerne pas tous les médias. Ces mass médias adoptent des points communs avec la communication commerciale. « L’émotion transparaît et ces médias deviennent des médias d’opinions, quelque chose qui n’existait pas avant les réseaux sociaux » explique Laurence qui voit là une évolution regrettable du journalisme.

« La communication accompagne l’évolution dans le journalisme et ça n’est pas l’inverse » confie Laurence Addario. Avec les différents changements au sein des rédactions, où les journalistes sont moins nombreux, l’évolution de la communication était nécessaire. « Il ne faut envahir les journalistes, il ne faut pas les brusquer », l’un points essentiels pour Laurence. La relation doit être entretenue et cela prend du temps. Le communiqué de presse suivi d’un « coup de tel » reste la norme dans le milieu. « La confiance est essentielle, ce socle permet une meilleure relation, bénéfique aux deux parties. » Pour certains journalistes et citoyens, il existe une opposition entre le journalisme et la communication. Un a priori qui n’était pas étranger à Laurence Addario en début de carrière. « Maintenant je travaille avec mes anciens collègues. Je suis devenu une source et je fais en sorte de produire de l’information fiable. » Le Monde, Libération, Le Figaro, La Montagne, tous ces journaux ont une page web, des comptes sur les réseaux sociaux, des équipes vidéo/podcast. Les médias sont devenus multimédias. Toutes les interventions des entreprises passent maintenant par plusieurs canaux. « Tout doit être imagé. Tout doit être propre. Tout doit répondre à cette nouvelle dimension du journalisme ». De 1997 à 1999, Laurence Adarrio a été la première femme présidente du Club de la presse d’Auvergne.

 

Samuel Lerosier (texte et photo)