Un nouveau jeu de société arrive sur le marché. Dans la peau des journalistes, les joueurs devront écrire un reportage sur une affaire de disparition. Entre enquêtes, analyse et fausse piste, ils sont amenés à réfléchir aux notions du journalisme et de l’information.

En pleine conférence de rédaction, le rédacteur en chef annonce la disparition d’un enfant. Tous les joueurs sont dépêchés pour couvrir la disparition. Et ils n’ont que 36 heures. Voilà le synopsis de 36h à la Rédac. Un jeu de société développé par Martin Pierre, journaliste, éducateur média et membre du Conseil d’Administration du club de la presse d’Auvergne, Julie Lardon, journaliste, avec l’aide de Valentin Mathé, fondateur de la maison d’édition La poule qui pond. Sorti prévue pour le 25 février, ce jeu, à destination du grand public et de l’enseignement, permet aux joueurs de vivre « dans la peau d’un journaliste ». Ils devront réaliser un reportage, pour le journal de 13 heures, sur la disparition de Matéo, un enfant. Ce jeu « dont vous êtes le héros », fruit d’un travail collaboratif de trois ans, se présente sous la forme de 24 cartes par Marie-Anne Wachnicki, représentant les différentes sources. Il faut y ajouter une carte à l’effigie de l’échéance et un pion. À la source du projet, un constat de Martin « sur le terrain, en éduc média, on manque d’outil pratique et ludique. » Canopé, le dispositif de l’Education Nationale pour l’accompagnement des professeurs a mis en place plusieurs outils. Mais pour Martin, ces outils sont « des jeux très sérieux, il faut répondre oui ou non ». La volonté est de créer un jeu plus ludique et disponible partout. Un équivalent existe déjà, proposé par le Clémi (Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information). À la différence de 36h à la Rédac, il nécessite forcément une couverture numérique conséquente, ordinateur, connexion stable, etc… puisqu’il n’existe pas en format physique.

Un travail pédagogique et ludique sur le journalisme

Pendant plusieurs heures, au sens figuré, les joueurs interrogent différentes sources, recoupent les informations, fond des choix, etc… Au travers de ces dernières, ils sont confrontés à différentes questions éthiques et déontologiques qui touchent la profession. Par cette dimension, c’est un jeu de débat où différentes idées se confrontent. Le but étant d’obtenir un score important grâce à un reportage aux informations complètes et bien choisie, cette phase de réflexion est obligatoire. L’une d’entre elles concerne la différence entre journaliste, policier et juge, comme écrit dans la charte du Syndicat National des Journalistes (SNJ). Martin explique que « les adultes veulent parfois mener l’enquête, à la différence des enfants. De ce fait, ils obtiennent un meilleur score. » La manière d’obtenir des informations, quelles sources privilégiés, etc.… ouvrent le débat sur l’information dans le journalisme.

À destination du grand public et du milieu éducatif, la pédagogie tient une place importante du projet. Martin Pierre s’est occupé de l’aspect pédagogique et des compétences qui peuvent être acquises « l’analyse, la recherche de l’information, comprendre des fonctions et des institutions comme la Justice, etc.… voilà une partie des compétences que le joueur peut acquérir. » Grâce à ces notions, le jeu s’inscrit aussi dans l’EMC.

« J’avais la volonté de travailler en local » explique Martin Pierre. Une volonté qui se concrétise par l’aide d’une maison d’édition clermontoise, La poule qui pond et des testeurs Auvergnats. Des élèves du collège de La Ribeyre et des professeurs de l’académie de Clermont-Ferrand ont testé le jeu. Leurs contributions ont permis de modifier des détails. L’une de ces modifications est l’ajout de la carte de la grande sœur. Un personnage qui permet d’aborder la relation entre jeunesse et réseaux sociaux.

Un jeu indémodable

L’enseignement de l’Education aux Médias et à l’Information (EMI) repose sur le traitement d’actualités chaudes. Le ou les supports doivent être mis à jour. Ici, le support permet de travailler sur la vérification de l’information facilement. En adoptant une histoire qui n’est pas la reproduction de fait réel, le travail s’effectue sans stigmatiser les jeunes. « Il n’y a pas que les jeunes qui sont victimes des fausses informations, on l’est tous » explique Martin. Dans un contexte où les fausses informations ont gagné en ampleur, le jeu permet d’établir un échange, qui n’est pas anxiogène, entre les pratiques et les savoirs des jeunes et celles des journalistes ou enseignants. Au terme d’une partie, il n’y a pas une bonne manière de s’informer. En tous, les joueurs choisissent parmi 400 réponses.

Le support jeux de société physiques présente plusieurs avantages. Les personnes peuvent y jouer partout, même dans les zones où les outils numériques font défaut. Depuis le début de la crise sanitaire, le secteur du jeu de société a profité de la pandémie. Selon Les Echos, sur l’année 2020, les ventes ont augmenté de 9,3% dans les grandes enseignes. En 2021, plus de 4000 jeux de société sont sortis. Le jeu de société ne souffre pas de distinction sociale forte. Le jeu pourra être accessible et toucher plus de personnes. Il est 13 heures, le lendemain, le JT commence dans une minute. Le rédacteur en chef rappelle ces journalistes. Aux joueurs de proposer un reportage sur la disparition de Matéo. S’ils ne sont pas satisfaits de ce dernier, ils pourront refaire une partie et recommencer depuis le début.

Samuel Lerosier